Rapport 2020 du Défenseur des droits

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« Pour se convaincre de la nécessité de prendre en compte la parole de l’enfant, il suffit de regarder ce que sa négligence emporte comme conséquences. » Claire Hédon, Défenseure des droits

Éditorial

« Moi je voulais faire une filière générale pour me laisser le choix, ne pas me fermer de portes et à la place je suis en boulangerie et je n’aime pas ça. Je ne veux pas faire ça, mais je n’ai pas le choix. », expliquait un des enfants de la Croix-Rouge d’Argenteuil consultés par le Défenseur des droits en 2019. Pour se convaincre de la nécessité de prendre en compte la parole de l’enfant, il suffit de regarder ce que sa négligence emporte comme conséquences. Tout petit, un enfant dont on n’éveille ni ne recueille la parole est un enfant susceptible de développer des troubles du langage, d’attachement, du comportement. Plus tard, les élèves auxquels une orientation est imposée sans tenir compte de leurs souhaits, sont souvent ceux qu’on retrouve, après quelques années, parmi les décrocheurs. Quand, victime de harcèlement, un enfant ne rencontre pas de considération pour la souffrance qu’il exprime, les violences prennent les formes graves que révèlent, trop tard, les passages à l’acte qu’elles attisent. A l’heure où les discours sur l’enfant semblent très en vogue, la parole de l’enfant est étrangement absente. Pourtant, le droit de l’enfant à participer aux décisions le concernant conditionne l’effectivité de bien d’autres de ses droits. Chaque fois que son expression est recherchée et sa parole écoutée, l’enfant est mieux protégé contre toute forme de violences. S’il est associé aux prises de décisions relatives à sa situation, il pourra en éclairer la compréhension et favoriser ainsi le respect de son intérêt supérieur. Les conséquences d’une privation de ce droit sont d’autant plus fortes que la vulnérabilité de l’enfant qui la subit est grande. Pour un enfant en situation de grande pauvreté, la nonconsidération de sa parole viendra s’ajouter à la dépossession de leur pouvoir d’agir que subissent ses parents, si bien que les décisions prises à son encontre ont toutes les chances d’être dénuées de pertinence et d’ancrer un peu plus profondément sa vulnérabilité. De même, le handicap d’un enfant est souvent utilisé comme un prétexte pour ne pas l’associer aux projets qui le concernent, conduisant à des prises de décision unilatérales qui l’affectent durablement dans sa confiance et son estime de soi. Le droit à la participation de l’enfant, devant l’ampleur des dommages causés par son défaut, ne saurait donc être considéré comme un luxe ou un surplus. Il doit être compris comme une nécessité, et sa mise en œuvre doit en assurer la pleine portée. Précisément, il s’agit non seulement de permettre à l’enfant de s’exprimer, mais aussi d’être écouté, pris en compte et informé, tant en amont – sur ses droits, les enjeux de la décision – qu’en aval – sur les suites données au recueil de sa parole. Pour que la participation des enfants ne soit pas « décorative », elle doit être préparée, s’accompagner des conditions d’une expression libre, et s’inscrire non pas en parallèle mais dans le circuit décisionnel. En d’autres termes, son efficacité et sa pertinence sont tributaires des conditions dans lesquelles elle est instaurée : préparée dans le respect de la dignité de chacun, cette participation doit offrir la possibilité à tous de comprendre les enjeux en question, afin que puisse réellement se construire une intelligence collective. Veiller à associer les enfants en leur permettant de participer aux procédures ou prises de décision qui les concernent, à des instances scolaires, politiques ou administratives, crée ainsi, au-delà des bénéfices pour les enfants, un gain pour toute la société. Car la vigilance à l’égard des plus jeunes est susceptible d’aiguiser plus largement une attention à toutes les personnes dont la participation est malmenée en raison de leurs fragilités ou vulnérabilités, qu’elles soient économiques, physiques, intellectuelles. Tant que ces contributions seront négligées, notre démocratie restera inaboutie, détachée d’une partie de ses membres qu’elle prive de leurs droits. 

Claire Hédon Défenseure des droits

Pour consulter le rapport : 

Rapport – Prendre en compte la parole de l’enfant : un droit pour l’enfant, un devoir pour l’adulte (defenseurdesdroits.fr)