Auteur : Emmanuelle Deleplace
Article publié sur Hospimedia le 07/07/25
Suivis des grossesses à risque, coordination entre les Camsp, PCO, unités d’intervention précoce, création de groupes d’appui à la scolarisation… les professionnels normands s’organisent pour mieux dépister et accompagner.
Agir tôt, c’est le credo de l’Association nationale des équipes contribuant à l’action médico-sociale précoce (Anecamsp) qui a posé le 30 juin sa caravane des troubles du neurodéveloppement (TND) à Rouen (Seine-Maritime). L’occasion de mettre en lumière la coordination et les initiatives locales. Le réseau de périnatalité de Normandie regroupe 130 médecins hospitaliers, de protection maternelle et infantile, de centres d’action médico-sociale précoce (Camsp) et médecins libéraux. Il suit particulièrement les grands prématurés qui représentent les deux tiers des enfants suivis, les petits poids de naissance (moins d’1,5 kg) et les pathologies graves en période périnatale, soit un total de 500 nouvelles prises en charge chaque année. « Nous avons tendance à être concentrés sur les grosses agglomérations et nous avons encore à progresser pour aller trouver des confrères dans certains secteurs« , reconnaît le Dr Jean-Baptiste Müller, pédiatre au CHU de Rouen.Consultations régulières jusqu’à 7 ans
Le réseau propose une surveillance étroite du développement de ces enfants vulnérables à haut risque de TND, déclenche des prises en charge et des coordinations de soins dès le repérage de troubles. « Nous ne pouvons pas proposer un suivi distant à ces familles qui ont un vécu extrêmement difficile de la période périnatale, avec 30 à 40% des mères qui présentent des syndromes de stress post-traumatiques dans le cadre d’une grande prématurité. Nous leur proposons donc des consultations régulières jusqu’aux 7 ans de l’enfant« , poursuit Jean-Baptiste Müller.
Le service de néonatologie du CHU de Rouen participe au réseau périnatalité, abrite un Camsp, la plateforme de coordination et d’orientation et une unité d’intervention développementale précoce (Unidep). Cette dernière créée en 2016 propose une prise en charge des enfants de 18 à 36 mois qui ont un diagnostic ou une suspicion d’autisme. L’Unidep partage des locaux et des professionnels avec le Camsp, ce qui permet de nombreux échanges entre les deux équipes. « Au départ nous avions adopté le modèle de Denver avec un fonctionnement très formaté de quatre interventions par semaine : deux interventions directes au CHU, une intervention au domicile des parents et une intervention sur le lieu de socialisation de l’enfant. Depuis 2024 nous fonctionnons sur des modalités beaucoup plus à la carte et en coordination avec tous les autres acteurs« , explique la Dr Gaëlle De La Villéon, pédiatre à l’Unidep.Des troubles souvent associées aux surdités
À Rouen, le Camsp Beethoven accompagne spécifiquement les enfants déficients auditifs. Les deux tiers ont d’autres troubles associés, souvent des troubles du neurodéveloppement. Ces troubles n’ont souvent pas souvent été diagnostiqués avant l’arrivée au Camsp qu’ils rejoignent entre l’âge de 2 et 6 mois. « Nous sommes très attentifs à tous les facteurs de risque. Quand un trouble est avéré, nous nous apercevons que la trajectoire développementale n’est souvent pas liée à la surdité et [cette dernière] devient un facteur de risque multiplicateur, en particulier pour le trouble du développement intellectuel et les troubles du spectre de l’autisme« , précise le Dr Ingrid Kaltwasser, pédiatre du Camsp.Des groupes d’appui à la scolarisation
L’inclusion scolaire fait partie de l’ADN de Trisomie 21 France. « Depuis trois ans nous constatons que les temps de scolarisation des enfants que nous accompagnons à travers nos services d’éducation spéciale et de soins à domicile (Sessad) ne cessent de diminuer« , explique Séverine Dieulle, directrice du pôle enfance de Trisomie 21 Normandie. L’association a d’abord essayé de comprendre pourquoi certains enfants étaient si peu scolarisés. La première raison est liée à leur pathologie qui entraîne beaucoup de fatigabilité et de nombreux soins et rééducations à l’extérieur, voire des investigations médicales pour poser un diagnostic. Mais leur accueil est aussi souvent limité en raison de manque de moyens de l’école : professionnels pas formés pour adapter leur pédagogie, accompagnants d’élèves en situation de handicap absents.
« L’enfant est accueilli sur un temps si partiel qu’il ne prend pas ses repères dans la classe, il n’intègre pas les rituels. Les relations avec ses pairs sont perturbées. Il est peu identifié ou identifié comme un enfant différent. De plus, l’enfant accueilli toujours sur les mêmes temps ne bénéficie pas de certains apprentissages tels que la motricité ou les temps de regroupement. Au final, les familles de ces enfants qui passent peu de temps en classe sont souvent en précarité sociale« , explique Mélanie Ledoux, responsable du Sessad Anatole-France Pour contrer cette tendance, l’association a mis en place des groupes d’appui à la scolarisation, des groupes de cinq à six élèves hétérogènes dans leur profil mais homogènes en besoins qui se retrouvent pendant une année scolaire une heure et quinze minutes par semaine. Dans ses locaux spacieux, le Sessad a reproduit les différents espaces que l’on retrouve dans une école et peut reproduire tous les temps de l’école.
Chaque groupe est animé par deux professionnels de formation différente (éducateurs, psychologue, ergothérapeute, psychomotricien, orthophoniste) afin de pouvoir croiser les regards. « En fonction des objectifs individuels, nous préparons pour chaque enfant une grille d’évaluation. Nous échangeons beaucoup avec les familles et avec les enseignants pour ajuster le travail des groupes en fonction des évolutions à l’école« , précise Lucille Gonzalez psychomotricienne. Tous les enfants qui ont participé à ces groupes ont vu leur temps de scolarisation augmenter. Certains ont pu ainsi accéder à la cantine et aux activités périscolaires qui leur étaient jusqu’alors refusées. « La plupart de ces enfants sont non verbaux, le travail que nous faisons rassure les enseignants car nous avons mis en place des compensations. Les parents sont aussi rassurés car ils savent que leur enfant pourra être compris à l’école avec ses particularités et ses besoins« , conclut Mélanie Ledoux.Tous droits réservés 2001/2025 — HOSPIMEDIA
