Le début d’année et notamment jusqu’à la fin du mois de Mars est une période très dense en CAMSP. En effet, elle est ponctuée par la dead-line du dépôt des dossiers MDPH pour les enfants accompagnés., Dans cette période, se prépare la rentrée de Septembre…générant des questionnements, convocatrice de diverses inquiétudes. Cet article présente une initiative de CAMSP pour accompagner les parents dans cette période souvent essentielle dans la mesure où les parents peuvent se sentir « pressés » enjoints à prendre des décisions dans un temps qui n’est pas le leur …Décider alors que l’on ne sait pas où en sera son enfant en Septembre … « C’est encore loin, il peut évoluer » est une remarque souvent exprimée par les parents. Bien sûr que l’enfant peut changer, ce qui est demandé ne préfigure pas de ce qu’il en sera des besoins de l’enfant mais les professionnels savent aussi que si certaines demandes ne sont pas transmises à la MDPH, les notifications ouvrant les droits ne seront pas faites, barrant l’accès à certaines prestations et services.
Pour les parents il s’agit de réfléchir, de penser à ce qui sera le mieux pour leur enfant : une entrée en maternelle dès Septembre ? ou différée pour assurer une transition d’avec la crèche qui peut s’avérer indiquée parce pertinente au regard des besoins de l’enfant ? Un passage vers le niveau de la classe supérieure ? avec ou sans nécessité d’aménagement ? la présence d’une AESH ? une entrée en CP ou avec un dispositif Ulis ? Autant de possibles mais souvent inconnus aux acronymes face auxquels les parents expriment se sentir « perdus ».
Les parents se retrouvent face à toutes ces questions, confrontés parfois à des avis divergents. D’une part, le droit tel que décliné dans la loi du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance légiférant sur l’âge de l’instruction obligatoire de six à trois ans pour tout enfant leur est régulièrement rappelé. Le projet d’une école inclusive est souvent mis en avant comme projet de société sans que soit toujours évalués et pris en compte les besoins spécifiques des enfants. Les professionnels de la petite enfance puis de l’école, leur font part de ce qu’ils observent des compétences mais aussi des empêchements de leur enfant, ils peuvent évoquer une nécessité d’aménagement des modalités d’accueil… Les professionnels du soin tentent de comprendre comment les troubles impactent le développement de l’enfant, ils recherchent avec ses parents comment s’adapter aux besoins.
Les parents ont leurs propres ressentis, la connaissance de leur enfant, pour autant souvent ils expriment leur sentiment d’être en « terre inconnue », confrontés à tous ces avis. Ce parcours lié au handicap et développement inhabituel de leur enfant est rempli d’embuches. Ils le qualifient souvent « de parcours du combattant ». Sans doute ont-ils du mal à faire confiance à leur jugement, les dédales d’un parcours qui conjugue nécessité de soins, de socialisation, de scolarisation et de démarches administratives pour garantir l’effectivité de leurs droits entament significativement leur estime d’eux même, mais aussi bouleverse le quotidien de leur vie et celle de l’ensemble de leur famille.
Le constat que ces périodes génèrent du stress, de l’inquiétude pour les parents, mais aussi chez les professionnels engagés auprès d’eux, ont conduit la cheffe de service et l’assistante sociale du CAMSP à envisager la mise en place d’espaces collectifs pour informer, guider mais aussi recueillir les questions des parents en leur permettant d’en échanger avec des professionnels ainsi qu’entre eux, parents. C’est ainsi que ce sont conçues propositions de rencontres qui permettraient que circule la parole de parents avec celle d’autres professionnels partenaires (enseignant référent, directeur d’Institut médico éducatif proposant de l’accueil modulaire …)
Deux matinées sont organisées à destination des parents concernés sur les thèmes suivants :
– « Mon enfant va à l’école ? »
– « Préparer l’après CAMSP ».
L’objectif de ces temps est de proposer un espace de rencontre parents / professionnels où se croisent deux expertises, celle expérientielle des parents et , celle des professionnels. Dans son rapport* Denis Piveteau note « la démarche consistant à ne pas décider à la place de la personne accompagnée ou son représentant légal*, à respecter ses choix, à la mettre en capacité de réaliser elle-même et d’apprendre par ses succès et ses échecs, déplace radicalement – si elle est conduite avec authenticité – la relation d’accompagnement. Le professionnel n’est pas en surplomb. Il doit développer, avec des outils et méthodes – notamment de communication- adaptés, en disposant du temps nécessaire et d’apports tiers, un attitude d’écoute et de mise en capacité de la personne qu’il accompagne. Le mot de « service » – que le lieu d’exercice soit un établissement ou un domicile – prend ici tout son sens. C’est aussi l’esprit qui anime cette initiative d’invitation à l’attention des parents dont les enfants sont concernés par ces sujets Lors de ces deux temps proposés au CAMSP sont également organisés par d’autres professionnels de l’équipe un accueil des enfants afin de faciliter la venue des parents qui ne disposent d’aucun relais de garde pour leur enfant.
Les parents viennent rencontrer des professionnels qui les informent sur leurs droits, les démarches à suivre, les obligations administratives auxquelles il faut répondre et les modalités pour assurer l’effectivité de leurs droits. Lors de ces temps, des parents qui se sont posées eux aussi des questions sur comment faire au mieux pour scolariser leur enfant, ou d’autres, dont l’enfant est sorti du CAMSP et qui ont douté, refusé certaines propositions pour parfois opté pour une entrée en SESSAD, en IME…, viennent témoigner Ce partage entre pairs autour de leurs expériences est toujours apprécié tant par les parents qui participent à cette rencontre que par ceux qui acceptent d’échanger sur leur vécu, les questionnements tout comme les émotions qui les ont traversés .
Les propos du papa de Noah qui a apporté sa contribution sur l’une des matinées viennent illustrer comment d’une certaine façon, témoigner redonne du pouvoir d’agir aux parents !
« Je suis venu témoigner car je pense qu’il est important dans la mesure du possible de pouvoir redonner à la communauté des informations qui à titre personnel nous ont été très utiles à l’époque afin de mieux comprendre les processus et outils qui étaient à notre disposition pour aider notre fils Noah. Il est certain que d’être venu partager notre expérience et nos informations nous procure une certaine forme de fierté et surtout un certain sens d’accomplissement que l’on espère utile pour les familles qui traversent cette épreuve et qui ont pris le temps de nous écouter. Nous ne savons pas ce que nous ne savons pas ; il est donc important d’aller se renseigner aux bons endroits pour avoir le bon niveau d’information, fiable surtout, afin de pouvoir faire le meilleur choix possible pour nos enfants. Dans ce cadre, le CAMSP est selon moi aujourd’hui le meilleur endroit pour construire une aide adaptée à nos enfants. »
Rédigé par une Directrice de CAMSP
*En CAMSP ce sont les parents, les responsables légaux de l’enfant et ils disposent de l’autorité parentale (sauf restrictions imposées par décision judiciaire) et posent les choix concernant l’éducation de leur enfant.