Pour sauver la PMI: AGISSONS MAINTENANT !

Par lettre de mission datée du 26 juillet 2018, le Premier ministre a confié à Madame Michèle Peyron, députée de Seine-et-Marne, une mission sur la protection maternelle et infantile (PMI).

Deux membres de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) ont été désignés en appui, Madame Bénédicte Jacquey-Vazquez et Monsieur le docteur Pierre Loulergue.

La mission s’est rendue dans quatorze départements et a organisé une cinquantaine d’auditions et de réunions. Elle s’est également appuyée sur plusieurs rapports publics, sur des articles scientifiques, et sur les résultats de travaux de recherche conduits notamment sous l’égide de l’INSERM-INED et de Santé Publique France. Le constat qui ressort à l’issue des six mois de travail de la mission est celui d’une crise majeure de la protection maternelle et infantile dans notre pays. Décentralisée depuis 1983, à la croisée du sanitaire et du social, la PMI, dont les missions sont définies par le Code de la santé Publique (CSP), mobilise au sein des départements des effectifs pluridisciplinaires (médecins, infirmières puéricultrices, sages-femmes, psychologues…) à hauteur de 10 000 Equivalent Temps Plein (ETP). La plus-value de la PMI réside dans une triple accessibilité géographique (plus de 5000 points de consultation), financière (gratuité) et administrative (absence de formalités, accueil inconditionnel, capacité à « aller vers » à travers les visites à domicile). La dépense annuelle de PMI, mal appréhendée par la statistique nationale, peut être estimée à environ 500 M€, soit 1 % des dépenses sociales des conseils départementaux. Les disparités territoriales, qui préexistaient à la décentralisation, sont toujours très marquées, avec une dépense annuelle par habitant [0-6 ans] variant de moins de 1 € à plus de 300 € selon les départements (moyenne à 33 € – source : DGCL – comptes de gestion 2017 des départements). Alors que l’efficience de la prévention précoce est bien établie scientifiquement et que la PMI constitue un levier de prévention adapté pour réduire les inégalités sociales de santé, cette politique publique est confrontée depuis le début des années 2000 à une combinaison de facteurs défavorables :

  • la PMI a été négligée par l’Etat et par l’Assurance Maladie, qui ne l’ont pas investie d’objectifs explicites en termes de taux de couverture depuis la décentralisation ; il a manqué une vision stratégique commune entre les pouvoirs publics et une fonction d’animation et de régulation ;
  • l’Assurance Maladie ne finance la PMI que de manière marginale (35 M€) alors qu’il s’agit d’une politique sanitaire préventive avec un fort retour sur investissement en terme de gestion du risque ;
  • la PMI a longtemps été dépourvue d’une tête de réseau nationale pour se faire entendre, jusqu’à la constitution récente de la plate-forme « Assurer l’Avenir de la PMI » ;
  • le financement local de la PMI par les départements s’est fait au fil de l’eau, de manière inégale, et parfois insuffisante, la PMI étant, faute de financement fléché, en concurrence avec des dépenses obligatoires très dynamiques, notamment les allocations individuelles de solidarité ; la tendance qui se dégage – avec de fortes disparités locales – est celle d’une érosion des moyens de la PMI de l’ordre de -25 % en 10 ans ;

confrontée à un déficit croissant de médecins, la PMI a vu ses missions législatives non sanitaires s’accumuler, ce qui a conduit à réduire les moyens dévolus à la prévention alors même que les évolutions sociétales en cours auraient plutôt nécessité de les renforcer (demande accrue de soutien à la parentalité, augmentation de la pauvreté, augmentation des troubles du comportement, familles migrantes sans couverture sociale etc.).

Il en résulte un rétrécissement marqué de l’activité sanitaire de la PMI en direction des publics fragiles :

  • en 1995, près de 900 000 enfants avaient été vus en consultation de PMI, représentant 2,7 millions d’examens ; en 2016, l’activité ne s’élève plus qu’à 550 000 consultants (1,49 million d’examen), soit une baisse de -45 %, et se concentre sur la tranche des 0-2 ans alors que la PMI est compétente jusqu’à 6 ans ;
  • les visites à domicile infantiles par des infirmières puéricultrices ont vu leur nombre presque divisé par 2 en 25 ans (1 million en 1991, 580 000 en 2016) ;
  • les visites à domicile maternelles par des sages-femmes de PMI ont également baissé (264 000 en 1995, 188 000 en 2016) ; 
  • la PMI couvre environ 6 % des besoins en termes d’entretien prénatal précoce ;
  • le bilan de santé en école maternelle se maintient avec un taux de couverture national de 70 % mais des écarts de 10 % à 98 % selon les départements.

Grâce à un questionnaire détaillé adressé aux départements visités, la mission a constaté que 20 % à 30 % des effectifs des PMI étaient consacrés aux missions relatives aux modes de garde (agrément des assistantes maternelles, contrôle et suivi des professionnelles agréées, instruction des projets d’ouverture d’établissements d’accueil du jeune enfant, contrôle et suivi des structures ouvertes). De plus, une partie croissante des visites à domicile infantiles de la PMI se fait à la demande de l’aide sociale à l’enfance, dans le cadre d’informations préoccupantes. Ces visites relevant de l’urgence sociale tendent à se substituer aux visites de prévention « prévenante » et fragilisent le lien de confiance entre la PMI et les familles. Cette gestion des informations préoccupantes absorbe environ 10 % du temps des équipes. Au total, 30 % à 40 % des moyens humains sont donc « dérivés » du cœur de métier préventif de la PMI, obligeant les équipes à pratiquer un hyper-ciblage sur les publics les plus vulnérables et les enfants les plus jeunes. Par ailleurs, le budget général des PMI accuse une baisse significative sur la période récente (–4 % de 2013 à 2017), et le manque de médecins (jusqu’à 50 % de postes vacants dans certaines PMI) va s’aggraver puisque deux-tiers des médecins de PMI atteindront l’âge de la retraite d’ici 2020. Ainsi, non seulement la France désinvestit dans la PMI – à rebours de la priorité donnée à la prévention par la Stratégie Nationale de Santé (SNS) 2018-2022 – mais la PMI est menacée d’un « effet falaise » avec une perte massive de mémoire et de transmission. Au fil de l’eau, et sans un sursaut des pouvoirs publics, la poursuite des évolutions observées pourrait aboutir à une extinction de la PMI dans la majorité des départements d’ici une décennie. Ce scénario tendanciel peut être évité, mais il faut agir maintenant.

C’est pourquoi la mission propose d’engager un plan national PMI 2019-2022. La mission s’est forgé la conviction que l’organisation territorialisée actuelle était pertinente et qu’une recentralisation de la PMI constituerait une mauvaise réponse aux difficultés actuelles. Pour autant, il est nécessaire de trouver le bon équilibre entre ancrage territorial et prise en compte des enjeux sanitaires globaux, Les principes directeurs du plan proposé reposent sur une clarification des rôles et l’organisation de circuits de financement fléchés vers la PMI pour revitaliser la prévention :

  • aux départements, sur leurs ressources propres (dotations et fiscalité), la charge de financer l’ensemble des missions de PMI ayant trait aux modes de garde, à la protection de l’enfance, au soutien à la parentalité ;
  • à l’Assurance Maladie, via la cotation (nouvelle) des actes des infirmières puéricultrices et un fonds national, la responsabilité de financeur et de gestion du risque : remboursement des actes des médecins, des sages-femmes, des infirmières puéricultrices de PMI, financement des bilans de santé en école maternelle, financement d’actions de prévention sur objectifs, remboursement des vaccins achetés par les PMI ; 
  • à l’Etat, la responsabilité de veiller au respect effectif par tous les départements d’objectifs socles réglementaires minimaux fixés par le code de la santé publique ; 
  • à l’Etat également, via les agences régionales de santé (ARS), le soin de proposer aux départements une contractualisation incitative via le fonds national PMI, pour renforcer l’action là où les inégalités sociales de santé sont fortes ;
  • aux départements, en tant qu’opérateurs de proximité et chefs de file de l’action sociale, la responsabilité de piloter et de mettre en œuvre une PMI de qualité et adaptée à leurs réalités territoriales.

La mission propose de redéfinir les normes actuelles d’effectifs et d’activité du CSP en fixant désormais des objectifs cibles en termes de taux de couverture des besoins. Ces objectifs socles doivent allier une approche universelle (pour le bilan de santé) et un universalisme proportionné (pour les consultations et les visites à domicile infantiles, le socle minimum proposé correspond au taux d’enfants en situation de pauvreté monétaire). Les objectifs socles proposés sont les suivants : 

  • 80 % minimum des enfants de maternelle (3-4 ans) bénéficiant d’un bilan de santé gratuit d’ici 2022 (contre 70 % aujourd’hui) ; 
  • 20 % des examens obligatoires des 0-6 ans couverts par la PMI (contre 13 % aujourd’hui) ;  20 % des enfants de 0-3 ans bénéficiant de visites à domicile par une infirmière puéricultrice de PMI ;
  • 20 % des femmes enceintes bénéficiant d’un entretien prénatal précoce par un professionnel de PMI ;
  • 20 % des femmes enceintes bénéficiant de visites à domicile intensives par une sage-femme de PMI ; 
  • 100 % des femmes ayant accès à une IVG2 médicamenteuse dans un rayon de 50 km par rapport à leur domicile (PMI-CPEF3, hôpital ou secteur libéral).

Pour consulter le Rapport Peyron dans son intégralité